Céline Moine et la galerie LE 1111

par Bénédicte Maselli pour Art’n box.

C’est parce qu’elle se situe au 1er étage du 11 rue Chavanne dans le 1er arrondissement de Lyon que la galerie Céline Moine se nomme le 1111 et c’est ainsi qu’elle se démarque avec originalité et humilité car ces quatre 1 à la suite sont d’abord un lieu de rencontre.

En effet, Céline Moine n’a pas, à l’instar de la plupart des autres galeries, pignon sur rue et pour entrer, il faut sonner, comme lorsque l’on va rendre visite à un ami. Aussi, il s’agit d’un réel espace d’intimité qui précisément vient déployer une autre intimité, tant entre la galeriste et et le visiteur, qu’entre les œuvres et le spectateur. Devenir galeriste pour Céline Moine, qui est par ailleurs la plume d’Artprice(1) depuis 2005, n’était pas un plan de carrière et elle mentionne que c’est « le métier qui est venu à elle ». Effectivement, c’est avec la vente en 2010 d’un dessin de Roberto Matta et suite à un « coup de cœur » esthétique pour le travail d’Hervé All, qu’elle organise sa première exposition dans l’appartement d’amis. Ce coup d’essai fut couronné de succès et c’est ainsi que Céline Moine s’est professionnalisée dans le métier de galeriste.

La notion de nomadisme est importante pour elle, c’est pourquoi elle aime osciller entre les espaces d’expositions. On retrouve les Cartes blanches au 1111 qui sont des moments intimistes dans lesquels elle invite un artiste à exposer son travail en regard à une œuvre moderne ou ancienne du fond de Laurent Giros (Laurent Giros fine art) avec qui elle s’est associée en 2017. Partisane de l’atemporalité de l’art et de la non fragmentation des périodes de l’histoire de l’art ses Cartes blanches réactivent l’art ancien autant qu’elles rafraîchissent le regard et la perception. Elle organise également des expositions de plus grandes envergures, dans des espaces plus grands qu’elle loue en fonction de ses envies et des besoins des artistes.

Céline Moine n’a pas de médiums de prédilection et choisis ses artistes surtout de manière instinctive. Cette approche d’abord affective vient fnalement dessiner une ligne sensible cohérente et bien que différents, les artistes de la galerie ont tous un travail porteur de signifcations esthétiques, poétiques et sociologiques fortes et intelligentes.

La volonté de Céline Moine est de représenter des artistes émergents et non des œuvres émergentes puisque la plupart d’entre eux travaillent déjà depuis plusieurs années. Il s’agit donc pour la galeriste de créer une visibilité pour ces artistes par les expositions qu’elle organise d’une part mais également par les conférences qu’elle donne auprès des entreprises d’autre part.

C’est pour solliciter les mécènes de demain et pour faire fonctionner l’économie artistique lyonnaise qu’elle met en place un travail de fond avec les acteurs économiques locaux (dirigeants et grandes entreprises). Elle leur donne des conseils en acquisitions et avantages fiscaux dans le cadre de la constitution d’une collection tout en mettant l’accent sur les possibilités transformatrices de l’art(2).

Elle est présente au salon DDessin du 29 au 31 mars 2019 pour la troisième fois et seront mis en avant les travaux d’Arthur Novak, de Mâkhi Xenakis et de Jérémy Gobé.
Artiste français né à Cambrai en 1986, Jérémy Gobé vit et travaille à Paris où il est représenté par la galerie Odile Ouizeman. Il porte un intérêt particulier à la récupération d’objets et aux savoir-faire oubliés. Il développe surtout une pratique autour des coraux qu’il prolonge, dessine et sculpte pour leur redonner vie.

Céline Moine expose ce dernier à DDessin, car elle soutient son organisation CorailArtefact(3) pour injecter du sens dans un moment qui ne cesse d’en perdre. CorailArtefact est un projet à la rencontre entre l’art, la science environnementale et l’industrie dentellière du Puy en Velay, fruit d’une formidable intuition de l’artiste et visant à redonner vie à des coraux morts. Un casque de réalité virtuelle pour expliquer le projet sera disponible sur le stand de la galerie Céline Moine ainsi que des dessins de Jérémy Gobé de dentelles réalisés avec de la dentelle (peut-être le premier « de dentelles » n’est pas obligatoire pour éviter une répétition?).

Corail Artefact, Jérémy Gobé
A gauche le motif d’un corail montastrea carvernosa, à droite de la dentelle au point d’esprit
  1. Artprice est le leader mondial de l’information sur le marché de l’art. Céline Moine y est rédactrice et analystes des enchères ce qui lui permet donc de se placer dans une véritable actualité du marché de l’art tout en restant lucide sur ce dernier.
  2. Pour se faire, elle met intelligemment en exergue les récents travaux du neurologue Pierre Lemarquis dans Portrait du cerveau en artiste [2014] qui démontre scientifiquement comment notre cerveau et, par là, notre corps entrent en résonance avec la beauté. Et si l’art pouvait, comme l’a toujours affirmé la philosophie, vraiment aider chacun de nous à vivre mieux et plus longtemps ?
  3. https://www.corailartefact.com/