ARKUCHI: Sublime Exutoire

Par Blandine Dauvilaire, ARKUCHI #24 | Décembre 2021/ Janvier 2022

Marie-Julie MICHEL, Carmin Symptoms#1, 2020, Porcelaine froide, fer, cuivre, laine soie, acrylique, 12x12x8cm
Marie-Julie MICHEL, Carmin Symptoms#1, 2020, Porcelaine froide, fer, cuivre, laine soie, acrylique, 12x12x8cm

« La galerie LE 1111, Marie Julie Michel présente des oeuvres fascinantes, réalisées durant la maladie rare qu’elle a traversée. Une exposition d’une terrible beauté qui dialogue avec des pièces de Fred DEUX et Lucien CLERGUE. »

«  La maladie est le plus court chemin pour accéder à soi-même », disait le philosophe Henri Bergson. Elle est aussi parfois la catalyse du génie artistique : Van Gogh, Camille Claudel, Frida Kahlo en sont d’illustres exemples. Dans le cas de Marie-Julie Michel, c’est une pneumopathie aspergillaire invasive, contractée en 2013, qui est devenue le tremplin de sa créativité. Confrontée à ce champignon microscopique qui proliférait dans son système respiratoire, la Lyonnaise a trouvé un second souffle grâce au dessin à l’encre. Durant des milliers d’heures, sur de grandes feuilles de papier, elle a donné un visage à cet ennemi invisible, en traçant de micro-motifs répétés à l’infini. De ce geste quasi obsessionnel sont nées des broderies sur papier d’une finesse arachnéenne qui émerveillent. 

Il faut les contempler à la loupe, se laisser hypnotiser par les entrelacs sensibles, pour mesurer le talent de cette autodidacte. Tapis de mosaïques, plage de coquillages, parures de perles… Ces œuvres tissées de vulnérabilité ont une dimension universelle puissante. Marie-Julie Michel a poursuivi son chemin de résilience avec la sculpture sur bois. Accentuant les reliefs de la matière peinte en noir, elle a tracé des constellations de synapses d’un blanc presque scintillant. Chemin de lumière dans un horizon qui se dégage peu à peu. Car la maladie bat en retraite. Le support gagne en force, l’organisme aussi. Vient le temps de la céramique, qui donne à voir concrètement mais avec une exquise délicatesse, ce qu’est l’Aspergillus. 

S’il faut accepter de nommer les choses pour les faire exister, l’artiste choisit de transcender l’épreuve en beauté. Ses porcelaines ont la poésie des récifs coralliens balayés par les courants. Le travail de Marie-Julie Michel se fait encore plus minutieux lorsqu’elle dégage à l’aiguille, sur une carte à gratter, des formes raffinées. En lui offrant sa première exposition en galerie, Céline Moine et Laurent Giros permettent à ses œuvres de dialoguer avec des dessins de Fred Deux (1924-2015) et des photos de Lucien Clergue (1934-2014). La conversation est d’une telle évidence…. Reste à savoir quel territoire l’artiste, désormais guérie, choisira d’arpenter à l’avenir. La vie a tellement plus d’imagination que nous. »

Par Blandine Dauvilaire